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Grèce, Pologne, Irlande : des économies hors normes aux situations contrastées Pib et croissance de la Grèce, de la Pologne et de l'Irlande 2025

publié le 14/08/2025 Par  Olivier Berruyer

On qualifie souvent les trajectoires économiques de la Grèce, de la Pologne ou de l'Irlande comme atypiques ou hors-normes dans l'Union européenne, et elles le sont ! La Grèce, ruinée en 2012 et tourmentée par  les politiques imposées par la Troïka, se remet très difficilement quinze ans après la crise. La Pologne semble insensible aux crises et poursuit sa croissance vigoureuse, soutenue par les généreux fonds européens. Et le paradis fiscal d'Irlande prospère tranquillement sur le dos de ses voisins « au nom de l'Europe »...

 1- Grèce : une économie toujours sinistrée
 2- Pologne : une économie insubmersible
 3- Irlande : la belle vie d'un paradis fiscal


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Grèce : une économie toujours sinistrée

En Grèce, l'observation du  Produit Intérieur Brut (le fameux PIB, c'est-à-dire, en simplifiant, la valeur de ce que le pays a réellement produit) indique clairement que l'économie a vu son développement brisé lors de la crise de 2008-2012, qui a culminé avec le défaut partiel du pays. Il a fallu six ans à l'économie pour redémarrer, jusqu'à ce que la crise du Covid survienne. L'économie grecque a cependant retrouvé une dynamique plus habituelle.

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Le PIB grec du premier trimestre 2025 reste toujours 15 % sous son plus haut historique. La crise économique de 2020 a été du même niveau de gravité qu'en France : le PIB du premier trimestre 2020 a été près de 12 % inférieur à celui de 2008. La situation s'est normalisée en 2021 et l'économie s'est remise à croître lentement.

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Si on s'intéresse à la croissance du PIB grec (c'est-à-dire à la valeur de sa hausse ou de sa baisse), on observe la saignée économique du pays à partir de 2009, dont il a tant de mal à se remettre. En 2023 et en 2024, la croissance a néanmoins atteint +2,3 %. En 2025, la croissance devrait légèrement fléchir, les prévisions tournant autour de +2,0 %.

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Hors crise, depuis une dizaine d'années, la croissance grecque se situe à un niveau moyen et fluctue entre +1 % et +3 % par an.

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L'analyse des contributions sectorielles à la croissance au cours des dernières années révèle que la croissance grecque est instable, ses sources alternant entre la consommation, l'investissement et le commerce extérieur.

 https Un PIB par habitant boosté par l'émigration

Le recours au PIB trimestriel par habitant permet de mieux analyser l'évolution du niveau de vie moyen. Il est en effet important de tenir compte de la croissance démographique : si le PIB augmente de +1 % et que la population augmente de +2 %, la richesse par habitant baisse en réalité de -1 %. Cet indicateur est donc beaucoup plus pertinent pour apprécier la croissance réelle d'une économie.

La Grèce a connu un choc démographique très important lors de la crise de 2008, qui a vu beaucoup de jeunes s'expatrier pour trouver du travail, à tel point que sa population n'a pas cessé de baisser depuis 2011. Actuellement, la population est en quasi-stagnation, en raison d'une hausse de l'immigration : +0,6 % par an, qui compense les -0,6 % de solde naturel annuel (les naissances moins les décès).

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La prise en compte du facteur démographique change un peu les choses, mais dans le sens opposé à la plupart des autres pays : la croissance par habitant est dès lors meilleure que celle de l'ensemble de l'économie.

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Cette croissance par habitant se situe donc entre +2 % et +3 % depuis 2017.

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Depuis quelques années, l'économie grecque superforme par rapport à la France, mais elle a été notablement plus chahutée depuis les années 1980.

 https Depuis les années 1960, une croissance qui ralentit

Pour prendre du recul sur la dynamique de croissance grecque, on peut observer la croissance décennale depuis les années 1960. On remarque que le phénomène des Trente Glorieuses a pris fin avec les crises des années 1970, et que l'atterrissage a été très brutal dans les années 1980, décennie de stabilité.

Cette baisse est liée à différents facteurs. En particulier, les Trente Glorieuses ont été induites par la forte mécanisation du pays et l'introduction de techniques ayant fait exploser la productivité. Mais il est désormais de plus en plus dur de continuer à l'augmenter. Une fois qu'on remplace un cheval par un tracteur, il est difficile de trouver par quoi remplacer le tracteur pour avoir le même gain.

Depuis lors, l'économie virevolte au gré des crises. La décennie 2020 connaît cependant une croissance par habitant de +2,3 %.

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En Grèce, les décennies se suivent mais ne se ressemblent pas, avec une forte volatilité de la croissance économique.

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Cependant, les niveaux de +5 % à 7 % semblent terminés. À l'échelle d'une vie humaine, on a l'impression qu'on vit une « panne » de la croissance, et donc les responsables politiques baratinent sans cesse la population, promettant le « retour de la croissance » pour peu qu'on les élise. Bien entendu, ceci n'arrive jamais, pour la bonne raison que la croissance a retrouvé son très bas niveau historique. « L'anomalie », c'était les Trente Glorieuses.

Tout ceci serait sans doute de bon augure pour la Planète. Mais pour que cela soit également bon pour les citoyens, il conviendrait de réorganiser en profondeur l'économie, afin de conserver notre prospérité avec une croissance bien plus faible que par le passé.


Pologne : une économie insubmersible

La Pologne a la particularité d'être le grand pays d'Europe dont l'économie est la plus robuste depuis plusieurs décennies.

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L'économie polonaise progresse à un rythme très régulier, et rien ne semble pouvoir la faire dévier de sa trajectoire.

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Les niveaux de croissance feraient pâlir d'envie la plupart des grands pays occidentaux. Mais le pays partait évidemment de bien bas. La crise de 2020 n'a entraîné qu'une baisse du PIB de -2 %, et celle de 2023, à laquelle la Pologne a été pourtant plus fortement exposée, a été suivie d'une croissance très légèrement positive. En 2024, elle a été de +2,9 %, et en 2025, la croissance devrait rebondir et atteindre +3,5 %.

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Hors crise, la croissance polonaise fluctue globalement entre +3 % et +6 % par an depuis une vingtaine d'années.

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Au niveau des contributions sectorielles, la croissance polonaise est en général entretenue par la consommation et l'investissement, le commerce extérieur n'ayant qu'un rôle marginal en moyenne.

 https Une évolution du PIB par habitant proche de celle du PIB global

La Pologne connaît une situation démographique assez originale : depuis plus de 20 ans, le pays a généralement stabilisé sa population, en particulier en acceptant depuis une dizaine d'années un nombre d'immigrés du même ordre que son déclin naturel. Le pays a cependant accueilli près d'un million de réfugiés ukrainiens en 2022, mais depuis lors, son solde migratoire est proche de zéro, et donc sa population décroît de 150 000 citoyens par an (qui est égal à l'excédent des décès sur les naissances).

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En conséquence, depuis le premier trimestre 2008, l'évolution du PIB par habitant de la Pologne est proche de celui du PIB.

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Sur le temps long, contrairement à beaucoup de pays occidentaux, la dynamique de croissance du PIB trimestriel par habitant en Pologne est restée très robuste, dépassant souvent les 5 %. Elle était début 2025 à +4,1 %.

 https Depuis 50 ans, une croissance polonaise soutenue (par l'UE)

Sur le temps long, on s'aperçoit que la croissance polonaise a connu une accélération avec son entrée dans l'Union européenne, dont elle est le premier bénéficiaire net.

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Au final, la croissance du PIB par habitant de la Pologne est parmi les plus élevées de son histoire. Elle semble actuellement vivre ses « Trente Glorieuses », mais celles-ci sont largement soutenues par les subventions européennes, soit les transferts financiers venant des autres grands pays de l'UE, et notamment de la France.

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Irlande : la belle vie d'un paradis fiscal

Nous terminons ce tour des pays « hors normes » de l'Union européenne par son grand paradis fiscal : l'Irlande. Cela fait maintenant une dizaine d'années que l'économie irlandaise est économiquement « boostée », en particulier par les opérations financières.

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Le PIB irlandais n'a pas souffert de la crise de 2020, mais nettement plus de celle de 2022.

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Le pays a connu, à cause de diverses opérations financières, des années de croissances hallucinantes, comme les +20 % de 2015 ou les +16 % de 2021. La croissance n'est plus « que » de +2,6 % en 2024, et les prévisions pour 2025 anticipent une croissance de l'ordre de +3,5 %.

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Précisons que la croissance de 2015 est due au fait que plusieurs grandes multinationales (notamment Apple) ont transféré des dizaines voire des centaines de milliards d'euros de brevets et de licences vers leurs filiales basées en Irlande, afin de bénéficier de taux d'imposition des bénéfices très bas. La croissance 2021 est liée à l'activité post-Covid, en particulier de Pfizer (vaccins Covid-19), ou de Apple, Google et Meta (demande numérique post-confinement).

Hors crise, depuis une dizaine d'années, la croissance irlandaise connaît donc des niveaux de croissance inatteignables par des pays « classiques ».

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L'analyse des contributions sectorielles à la croissance au cours des dernières années révèle que la croissance irlandaise est largement entretenue par l'investissement des entreprises et par le commerce extérieur.

 https Un PIB par habitant également affecté par l'immigration

L'Irlande a vu sa croissance démographique augmenter depuis une quinzaine d'années, et elle approche le chiffre impressionnant de +2 % par an. C'est un pays où l'accroissement naturel (le solde des naissances moins les décès) reste positif (+0,3 %), mais cette augmentation de population a été principalement causée par l'immigration (+1,5 %).

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En conséquence, ce phénomène a nettement amoindri la (forte) croissance par habitant du pays.

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Début 2025, la croissance par habitant augmente cependant encore de +15 % par an.

 https Une croissance en accordéon

Puisque l'Irlande est un paradis fiscal, sa croissance par habitant évolue de façon disparate au fil du temps et des optimisations fiscales des multinationales.

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Au final, il est assez probable que si l'on supprimait l'optimisation fiscale - c'est-à-dire la croissance « volée » aux grands pays occidentaux -, il apparaîtrait que la vraie croissance du PIB par habitant de l'Irlande est retombée à un niveau relativement bas depuis 2010, en phase avec celle de la décennie 2000. Les stratégies des multinationales devenant insupportables pour des pays surendettés, il est peu probable que ces mécanismes parasitaires perdurent encore très longtemps dans l'UE.

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